Tuesday, September 21, 2010
Nunavik: le nombre d'enfants en détresse reste élevé
Entre 2006 et 2009, les signalements d'enfants en danger ont carrément explosé. Le nombre de cas a augmenté de 110% dans les villages de la baie d'Hudson, et de 57% du côté de la baie d'Ungava.
Photo: Agnès Gruda, La Presse
Les services pour les enfants en difficulté s'améliorent à pas de tortue dans le Grand Nord québécois. Mais les progrès restent extrêmement précaires, et les statistiques sur la réalité des jeunes Inuits donnent froid dans le dos.
Agnès Gruda
La Presse
Trois ans après avoir publié un rapport accablant sur la situation des enfants du Nunavik, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a dressé, hier, le bilan du chemin parcouru.
Ce qui en ressort, en gros, c'est que si les services sociaux sont mieux organisés, la proportion d'enfants en détresse reste ahurissante. Ainsi, 30% des jeunes Inuits de moins de 18 ans font l'objet d'un signalement à la Direction de protection de la jeunesse. C'est six fois plus que dans le reste du Québec.
Cette année, la DPJ a retenu 1341 signalements, ce qui représente plus de 23% de tous les enfants et adolescents du Grand Nord québécois. En d'autres mots, près d'un jeune Inuit sur quatre vit une situation de détresse suffisamment aiguë pour avoir besoin de protection.
Entre 2006 et 2009, les signalements d'enfants en danger ont carrément explosé. Le nombre de cas a augmenté de 110% dans les villages de la baie d'Hudson, et de 57% du côté de la baie d'Ungava.
Cette tendance ne constitue pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Elle signifie que la Loi sur la protection de la jeunesse est maintenant appliquée au Nunavik, ce qui n'était pas le cas il y a trois ans, fait valoir la vice-présidente de la Commission, Sylvie Godin.
N'empêche: dans son rapport, la Commission écrit: «La situation des enfants du Nunavik demeure encore aujourd'hui très alarmante, car la détresse sociale semble s'intensifier.» Et dans certains villages du Grand Nord, le tissu social s'est carrément dégradé depuis trois ans.
«Notre bilan peut paraître timide», reconnaît Sylvie Godin, qui souligne toutefois que le Nunavik part de loin. Et qu'il n'était pas évident d'implanter un modèle d'intervention étranger à la culture inuit.
Déception
«Je suis très déçu de constater que la situation ne s'est pas améliorée autant que nous l'aurions souhaité», dit Pita Ataami, président de la Société Makivik, responsable du développement du Nunavik. Selon lui, un grand pas a cependant été franchi dans les dernières années: les mauvais traitements dont souffrent les enfants du Nunavik ne constituent plus un tabou. «Les gens commencent à en parler, nous reconnaissons maintenant que nous avons un problème, que certains parents négligent leurs enfants», dit-il.
Dans son bilan, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse revient sur les 21 recommandations qu'elle a formulées il y a trois ans. Plusieurs d'entre elles ont été suivies, du moins en partie. Mais sur certains points, rien n'a bougé.
Ainsi, les problèmes de recrutement restent aigus dans le Grand Nord. Un intense rattrapage a permis de pourvoir tous les postes à la DPJ du côté de la baie d'Ungava. Ce n'est pas le cas du côté de la baie d'Hudson, où le tiers des postes n'étaient pas comblés. Cela force les employés à faire de nombreuses heures supplémentaires, ce qui contribue au surmenage et à l'incessant roulement du personnel.
Le rapport reproche au gouvernement du Québec de ne pas avoir amélioré les conditions de travail des employés qui font le choix de travailler dans le Grand Nord. Mais depuis la rédaction du rapport, Québec a annoncé un investissement supplémentaire de 280 millions de dollars qui devrait améliorer le taux de rétention du personnel au Nunavik, se réjouit Sylvie Godin.
En revanche, la situation des familles d'accueil est toujours extrêmement instable. Les adoptions traditionnelles ne sont toujours pas évaluées mais, surtout, la pénurie de logements exacerbe tous les autres problèmes sociaux. Or, sur ce point, rien n'a bougé, déplore Mme Godin, selon qui la situation du Grand Nord exige que l'on reste «en mode urgence.»
Avec ce bilan, la Commission termine son intervention au Nunavik - même si elle se réserve le droit de se pencher ponctuellement sur les problèmes du Grand Nord. «Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités», assure Pita Ataami.
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